Entretien avec Stéphane Troussel, Président du Département

Entretien avec Stéphane Troussel, président du Département de la Seine-Saint-Denis, qui revient sur les réussites du début de mandat et nous livre ses ambitions pour l’avenir du territoire.

Votre mandat a débuté dans une ère encore très marquée par la COVID, quels impacts cela a eus sur les actions du Département ?

La crise sanitaire nous a rappelé avec brutalité que les inégalités tuent ! La surmortalité observée en Seine-Saint-Denis en a été une illustration. La pandémie a aussi révélé le rôle crucial joué par les collectivités locales et la force d’un modèle de solidarités de proximité. Être au plus près des besoins des habitant·es ; le Département s’est efforcé d’agir selon ce principe : bus de vaccination pour aller vers les personnes âgées éloignées du numérique, création d’une plateforme d’appels solidaires pour rompre l’isolement, soutien aux acteurs locaux… 

Autre fait marquant, c’est l’obtention de la renationalisation du financement du RSA par l’Etat, réclamée depuis de nombreuses années. Vous avez enfin été entendu ?

C’est une grande victoire que nous avons arrachée ! Pendant des années, nous avons dénoncé cette injustice qui nous étranglait budgétairement : la sous-compensation par l’Etat de notre financement du RSA, une politique pourtant de solidarité nationale. Grâce à l’argent retrouvé, nous avons pu doubler en deux ans notre budget consacré à l’insertion !  Et avec ces nouveaux moyens, nous voulions faire mieux, beaucoup mieux. Nous avons revu du sol au plafond nos politiques d’insertion pour proposer aux personnes un accompagnement vers l’emploi plus adapté notamment à travers nos 22 nouvelles Agences locales d’insertion.

« Nous devons concilier attractivité, développement et solidarité. »

– Stéphane Troussel, Président de la Seine-Saint-Denis

Cela faisait 7 ans que la Seine-Saint-Denis se préparait à accueillir les Jeux olympiques, ce fût une réussite à tous points de vue. Quel bilan en tirez-vous ?

Extrêmement positif ! Il y a tout d’abord la fierté des habitant·es d’avoir été au cœur d’un évènement planétaire, qui a montré au monde le département tel qu’il est vraiment, loin des idées reçues. 

Ensuite la promesse de Jeux populaires a été tenue ! Les Séquano-dionysien·nes ont bien participé à la fête avec 300 000 personnes venues au Parc des Jeux à La Courneuve, le plus grand site de célébration gratuit en France. Il y a eu aussi la billetterie sociale, d’une ampleur inédite, qui a bénéficié à 180 000 habitant·es. 

Il y a enfin l’héritage que laisseront les Jeux et qui contribue, dès aujourd’hui, à améliorer le quotidien. En 7 ans, nous avons réalisé ce que nous aurions mis 20 ans à faire en temps normal : des logements, des piscines, des gymnases, des stades, des passerelles pour relier nos quartiers… Sans oublier les retombées en matière d’emploi ou de pratique sportive. 

Bien sûr, les Jeux olympiques ne sont pas une baguette magique. Il reste du chemin pour faire reculer les inégalités. Mais une dynamique positive est enclenchée pour le territoire. 

Quelle est la prochaine étape ?

La Seine-Saint-Denis va continuer à se transformer en profondeur dans la prochaine décennie. Je pense notamment à la livraison d’une vingtaine de gares du Grand Paris Express. Ce sera un bouleversement majeur. 

Notre principal défi est de faire en sorte que ces transformations positives se poursuivent et bénéficient d’abord aux habitant·es « déjà là », tout en accueillant les personnes qui arrivent pour bien vivre ensemble. Nous devons concilier à la fois attractivité du territoire, développement et solidarités.

Parce que si une partie de notre territoire connaît un dynamisme incontestable, d’autres restent encore trop à la marge. Le Département a donc un cap : stimuler ce développement tout en menant une politique d’équilibre territorial. Il nous faut arrimer l’ensemble du territoire et de la population aux fruits de ce développement. 

Des adjectifs pour définir la Seine-Saint-Denis de demain ?

Attractive. Nous allons continuer à faire de la Seine-Saint-Denis un territoire où il fait bon vivre : développer la qualité des espaces publics et des espaces verts, offrir des collèges publics de qualité, améliorer l’accessibilités aux transports, encourager le dynamisme culturel, sportif, associatif. 

Solidaire. Dans un territoire qui a encore le plus fort taux de pauvreté de France métropolitaine, le Département continuera à jouer son rôle essentiel de bouclier social. Nous voulons aussi renforcer les solidarités de proximité, qui sont déjà notre marque de fabrique. La force de ces liens sociaux entre habitant·es sera déterminante pour affronter les crises mais aussi relever les défis d’avenir. 

Résiliente. Face à deux enjeux majeurs comme le dérèglement climatique et le vieillissement de la population, le Département doit anticiper : nous mettrons en œuvre une stratégie de résilience départementale, pour une réponse globale à ces inévitables bouleversements. 

Pionnière. Le Département continuera à être précurseur, en oeuvrant en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, en explorant le champ de la santé environnementale, en promouvant un modèle économique et social plus juste. Nous avons ainsi racheté l’Institut de recherche pour le développement (IRD) à Bondy pour en faire une grande vitrine de l’Economie sociale et solidaire. 

Fière. Nous sommes fier·es de ce qu’est la Seine-Saint-Denis : un territoire jeune, divers, métissé et populaire. Nous resterons fidèles à son identité et à ses valeurs. Nous pensons même qu’elle peut offrir un contre-récit à une vision réductrice et identitaire de la France. Nous voulons montrer la richesse et le bouillonnement créatif que nous tirons du brassage des cultures !

Quels sont les principaux chantiers que le Département va mener jusqu’à la fin du mandat (ndlr : 2028) ?

Les grands chantiers déjà lancés pour la bifurcation écologique seront poursuivis : le Plan Canopée pour la végétalisation des villes, les Plans pour les mobilités durables et le vélo, le Plan éco-collèges… Avec pour boussole : faire converger justice écologique et justice sociale. Comme avec notre Plan alimentaire territorial et la carte Vital’im, qui veulent lutter contre la précarité alimentaire et démocratiser le « bien manger ». 

Une Maison de l’autonomie et des aidant·es verra également le jour en 2026. Elle témoigne de notre volonté d’être un territoire de liens et du « prendre soin ». Je porterai aussi un plaidoyer pour la revalorisation des aides à domicile et des métiers du soin de manière générale qui ne sont toujours pas reconnus à la hauteur de leur utilité sociale. 

Il y a enfin la mère des batailles : l’école. Alors que la Seine-Saint-Denis se transforme, l’Ecole publique ne peut pas se dégrader. S’agissant des collèges, nos grands plans d’investissement nous permettent de moderniser le bâti scolaire. Nous irons plus loin, avec une stratégie pour renforcer l’attractivité des collèges. 

Le projet de loi de finances du gouvernement annonce des coupes budgétaires. Comment développer plus le territoire si on a moins de ressources ?

Grâce à une gestion saine de nos finances et à la renationalisation du financement du RSA, nous avons pu conserver des marges de manœuvre budgétaires, notamment pour investir massivement.  Mais le système de financement des collectivités locales est injuste et obsolète. Il fait de notre Département le moins bien compensé de France pour exercer des compétences que l’Etat lui a transférées ! La cure d’austérité annoncée aggravera les choses.

Or, les inégalités en matière de santé, d’éducation, de transports et d’allocations de ressources aux collectivités sont encore criantes. 

Dans ce contexte difficile, nous agissons auprès des parlementaires et du gouvernement et nous faisons le choix fort de voter un budget 2025 qui garde des ambitions éducatives, culturelles, sportives, écologiques et sur les champs des solidarités fortes. 

Notre bataille reste celle de l’égalité pour la Seine-Saint-Denis !